Lundi, 21.03.2022

Un fromage au bon goût de terroir

Lorsqu’un produit est fabriqué avec le plus grand soin et de bons ingrédients, le résultat ne peut être qu’exceptionnel. A l’image de l’emmental AOP Gotthelf Slow Food Origine de Hüpfenboden, qui «voit le jour» dans la fromagerie de Bernhard Meier et de Marlies Zaugg dans l’Emmental.

Le soleil n’est pas encore tout à fait levé sur le Girsgrat, au-dessus de Trubschachen (BE). Pourtant, les douces collines de l’Emmental sont déjà baignées d’une douce lumière rosée. A la ferme des frères Wyss, les vingt-trois vaches laitières sont déjà réveillées et regardent autour d’elles avec curiosité. Elles passent l’hiver en stabulation libre et se délectent du foin séché au soleil. La part de fourrage achetée ne représente que 5%. En été, changement de décor et d’alimentation: les ruminants se régalent de l’herbe juteuse des pâturages environnants. La région vallonnée fournit également le foin pour l’hiver. Les bêtes reçoivent donc la meilleure alimentation possible, ce qui se répercute naturellement sur la qualité du lait. Il ne faut que sept minutes pour acheminer le lait par une route de montagne étroite jusqu’à la fromagerie Hüpfenboden, à 1016 m d’altitude. L’exploitation, qui existe depuis 1880, est l’une des plus petites fromageries d’emmental du pays. C’est le royaume de Bernhard Meier (52 ans) et de Marlies Zaugg (43 ans). Les deux maîtres fromagers sont les seuls à produire l’emmental AOP Gotthelf Slow Food. Le couple en produit chaque jour deux meules de 100 kilos à l’issue d'un travail manuel de longue haleine. «Transformer de mes propres mains un produit naturel périssable en une denrée alimentaire durable, c’est ce qui me fascine dans le fromage», explique Marlies Zaugg. Les deux médailles d'or que lui et son partenaire Bernhard Meier ont remportées en 2009 à l’occasion des 6es Olympiades des fromages de montagne à Saignelégier (JU) dans la catégorie «Emmental AOC» prouvent qu’ils connaissent leur métier.

 

L’emmental comme au temps de Gotthelf

Régional et original

L’emmental AOP est sans doute le fromage le plus connu au monde, mais aussi le plus copié. L’emmental Gotthelf, lui, est un original de bout en bout. Le lait cru à la saveur corsée est issu de vaches de douze fermes situées dans un rayon de dix kilomètres, dont le fourrage provient à 95% de l’exploitation même, dont celle des frères Wyss. Pour la fabrication de leur emmental, Bernhard et Marlies utilisent des cultures au petit-lait mûri de leur confection, qui confèrent au fromage son goût unique et typique de la région. Un fromage au goût corsé, avec de légères notes de noisette, des cristaux de sel et une texture finement friable. Mais avant d’en arriver là, il faut beaucoup de travail et de dévouement. Le moment le plus important dans la fabrication du fromage, c’est la coupe. Le timing est crucial. Bernhard Meier vérifie la consistance à la main: « ça ne se mesure pas, ça se sent.» Un travail qui fait transpirer au sens propre du terme, et pas seulement à cause des températures élevées qui règnent dans le local de production. Dans la cave d’affinage, en revanche, il fait agréablement frais, mais quand même plus chaud que d’habitude. Le secret de l’emmental réside dans la température: les températures, plus élevées que dans les autres caves, permettent, en effet, à d’autres bactéries de se développer, à l’origine des fameux trous du fromage. Bernhard Meier bichonne ensuite les meules pendant trois longs mois, avant de les amener dans la vallée, à la fromagerie traditionnelle Joos à Langnau (BE), où elles sont affinées pendant au moins quatorze mois.

 

La contribution de gotthelf

La fabrication de l’emmental Gotthelf n’est pas la seule à se faire selon une méthode traditionnelle, comme à l’époque de Jeremias Gotthelf. Son roman le plus célèbre, Käserei in der Vehfreude (La fromagerie de Fefreude), est indissociable de ce fromage: son histoire orne l’étiquette des meules d’emmental sous la forme d’un découpage artistique. L’oeuvre d’art raconte l’histoire de villageois qui décident de construire une fromagerie plutôt qu’une école pour leurs enfants. Bien que le livre ait été publié trente ans avant la création de la fromagerie Hüpfenboden, elle a probablement quelques points communs avec celle décrite dans l’œuvre de l’écrivain bernois...