Lundi, 13.11.2023

Le Cuisinier d’Or 2023: la passion à fond

Chef de partie au restaurant Valrose, à Rougemont (VD), Shaun Rollier est un infatigable créateur dès lors qu’il entre dans une cuisine. Rencontre avec le Cuisinier d’Or 2023 dont le talent et la volonté le hissent avec brio parmi l’élite.

La subtilité des goûts, la perfection des cuissons, le frémissement des sauces à l’exacte température recherchée, le pochage parfait pour une excellence gustative d’anthologie, la cuisine de Shaun Rollier est toute ça à la fois, et bien plus encore. Il faut dire qu’à seulement 27 ans, ce natif de Carouge (GE) a remporté cette année le très prestigieux et convoité titre de Cuisinier d’Or.
D’ailleurs, à bien observer, l’élégante décontraction dont est doté notre interlocuteur en dehors de ses cuisines laisse paraître cette détermination sans faille et ce talent inné dont sont dotés les meilleurs. Mais au fait, quel a été le déclic originel, celui qui l’a poussé à manier les casseroles avec tant de justesse? «J’ai toujours adoré manger, je dois l’avouer. Enfant déjà, c’était le cas. Et mes grands-parents, qui ont beaucoup pris soin de moi, étaient des épicuriens de la bonne cuisine, sourit Shaun Rollier. J’allais manger chez eux deux fois par semaine. C’était tout en contraste avec la cuisine de mes parents. Je me suis donc rapidement posé des questions, et j’ai tout aussi rapidement compris que si je voulais bien manger, je devais cuisiner moi-même.» Être conscient de l’environnement dans lequel on évolue, valoriser les produits locaux, partir en cueillette, une réalité ancrée aujourd’hui dans la démarche culinaire intrinsèque de cet épicurien de la table.

 

UN TEMPÉRAMENT AFFIRMÉ

Un premier stage d’une semaine à l’âge de 14 ans dans les cuisines de Philippe Chevrier (1 étoile Michelin et 19/20 au Gault & Millau) le fait définitivement basculer du côté de l’excellence en devenir. «J’ai tout de même terminé mon gymnase et, à l’âge de 18 ans, j’ai commencé un apprentissage de cuisinier.» Mais que l’on ne s’y trompe pas: le futur Cuisinier d’Or 2023 est tenace, déterminé et volontaire. C’est chez Franck Giovannini, à l’Hôtel de Ville de Crissier (VD), que le jeune Shaun veut être formé. «Au bout d’une semaine de stage, il m’annonce qu’il ne prend pas d’apprenti, se rappelle Shaun Rollier. Pour moi, c’était la Formule 1 de la cuisine, je ne pouvais pas laisser tomber. J’ai insisté, je voulais vraiment être pris.» Le grand chef se laisse convaincre et lui donne sa chance «en m’expliquant que ces trois années n’allaient pas être faciles et que ma vie toute entière allait changer. Maintenant, je le sais: je me suis pris une sacrée claque de maturité. Physiquement et psychologiquement, c’était chaque jour une vraie compétition». Aujourd’hui, le prodige le confie: la cuisine remplit toute sa vie. «Je la vis, je la lis, j’en parle, j’en rêve, c’est permanent. Je me dis même parfois que c’est presque obsessionnel.» Mais c’est sans oublier que toucher les étoiles et se hisser dans le firmament des meilleurs est aussi et surtout un travail d’équipe. «Durant la compétition du Cuisinier d’Or, une vraie symbiose s’est mise en place avec Gabriel Lopez, mon commis de cuisine, qui s’est donné corps et âme pour ce projet. Ce jour-là, tout était comme une évidence. Il y a des choses parfois difficilement explicables qui rendent votre quotidien extraordinaire. Ça a été le cas avec ce moment de partage avec Gabriel, les équipes, le public. Je m’en souviendrai toute ma vie.»

 

DES METS QUI LUI RESSEMBLENT

Une cuisine d’excellence mais lisible, les créations de Shaun Rollier se vivent pourtant sans antagonisme. Une prouesse que le prodige a réitéré à l’occasion de la Soirée culinaire pour laquelle, comme à l’accoutumée, le lauréat du prestigieux concours cuisine en exclusivité pour quelques invités. «Le plus important est toujours de préparer quelque chose qui me ressemble. Mais il est clair qu’on ne réfléchit pas un plat pour une centaine de convives de la même manière que pour une douzaine», ajoute-t-il.
Quant à son avenir professionnel, le jeune homme y pense… mais pas trop: «Je vis des expériences magnifiques aux côtés de Benoît Carcenat au restaurant Valrose à Rougemont (VD), conclut notre interlocuteur. J’ai le temps de penser à la suite, alors je profite pleinement du moment présent».

 

SHAUN ROLLIER
Âge: 27 ans
Plat préféré: un poulet rôti ou une blanquette de veau. «Mon idéal, c’est une belle cocotte au milieu de la table.»
Loisirs: alpinisme, escalade, ski randonnée, «la montagne me permet de me recentrer».
Un souvenir de cuisine: «Dès que je passais la porte de chez mes grands-parents, je sentais les odeurs de la cuisine et je jouais à deviner exactement ce que ma grand-mère préparait sans regarder.»

 

Texte: Sophie Dürrenmatt Koller
Photo: Stöh Grünig