Eddy Baillifard, le pape de la raclette

Une chose est sûre dès que l’on passe la porte du Raclett’House d’Eddy Baillifard, à Bruson (VS): c’est la bonne humeur assurée. Il faut dire que l’homme n’a pas son pareil pour mettre à l’aise. «On peut se tutoyer? C’est plus sympa pour discuter. Moi, c’est Eddy!» Le ton est donné. Quelques petits déjeuners servis plus tard à ses convives de la matinée, et l’ambassadeur du Raclette du Valais AOP est tout à nous. Il faut dire que le Raclett’House ne désemplit pas. On y vient surtout pour y déguster une authentique raclette, mais aussi histoire de passer une nuit dans le Val de Bagnes grâce à la vingtaine de couchages disponibles à l’étage. Mais on ne va pas se le cacher: nombreux sont celles et ceux qui s’y arrêtent pour Eddy, le pape du Raclette du Valais AOP, le vrai, l’authentique, celui au lait cru, celui des mayens, du grand air, des «coups de blanc» et des éclats de rire comme seul le Valais en a le secret. Et quand le truculent patron des lieux vante les plaisirs du célèbre fromage valaisan par monts et par vaux, c’est un de ses fils, Romuald, qui prend le relais au Raclett’House.

UN ÉCHO À TRAVERS LE MONDE

Pourtant, rien ne prédestinait Eddy à vanter la raclette à travers le monde. «Je suis fromager de formation, comme mon grand-père avant moi. Gamin, je montais l’aider dans les alpages. Il me parlait de la flore, m’expliquait la richesse qu’elle représentait pour le lait. Il m’a tout appris.»

Seulement voilà, un jour le destin en a décidé autrement. En 2012, un grave accident de quad va tout changer. Le travail à la fromagerie du village qu’il tenait depuis 1987 s’arrête net. «C’est mon fils Jonathan qui a repris les rênes dès le lendemain pour s’atteler à la tâche, explique-t-il. Il avait à peine 20 ans. Sans cela nous perdions tout. Il a été extraordinaire et je suis très fier de lui.»
Le tournant que prend la carrière de l’ancien fromager n’était pas écrit d’avance. Pourtant, celui qui s’impose aujourd’hui comme l’ambassadeur de notre fromage vedette sillonne la planète. Exposition Universelle de Milan en 2015, EuroFoot à Paris en 2016, cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver à Pyeongchang en Corée du Sud en 2018, collaboration en 2019 à la conception d’un robot raclette unique au monde avec l’institut de recherche IDIAP à Martigny, tournage d’un film à Berlin avec le réalisateur Vladimir Kaminer... Eddy Baillifard mène tambour battant sa mission d’ambassadeur.

TOUT, TOUT, TOUT SUR LES RACLETTES

Une question cruciale nous taraude depuis que nous discutons: comment choisir un raclette? «L’AOP est garant de l’authenticité et du terroir, c’est la première chose. Ensuite, c’est une question de goût. Le pâturage, par exemple, joue un rôle important. Vous n’obtiendrez pas les mêmes notes gustatives dans le lait de vaches ayant brouté en plaine, en alpage ou sur des terrains semi-forestiers. Or, en qualité de fromage au lait cru, le Raclette du Valais AOP conserve toutes les notes gustatives. Et le savoir-faire du fromager est crucial, c’est évident.»
De fait, qui dit différences gustatives, dit ordre de dégustation. «Il faut déguster en premier le plus jeune et terminer par l’affinage le plus long qui sera plus corsé. Pour les accompagner, on commencera par un verre de vin blanc sec, pour terminer par un plus fruité.» Côté technique, là encore le spécialiste est intarissable: distance de la demi meule avec le corps de chauffe, durée de chauffe, raclage, mais aussi accompagnement, rien n’échappe à la connaissance d’Eddy Baillifard, qui dispense des cours à des professionnels de la restauration. «On ne sert jamais la raclette sur la charcuterie par exemple, elle doit être à part. La seule chose qui doit figurer dans l’assiette, ce sont des cornichons, des oignons et une petite pomme de terre à chair ferme. Alors, je vous la sers maintenant cette raclette? Posez votre stylo et goûtez moi ça!»

Eddy BaillifardÂge: 60 ans
Famille: marié, 3 enfants et 4 petits-enfants
Fromage préféré (en dehors du raclette): un vieux Gruyère AOP
Fromage à raclette préféré: un raclette d’alpage avec 6 à 7 mois d’affinage
Loisirs: «Si je te dis la raclette?»

Texte: Sophie Dürrenmatt
Photo: Valentin Flaurau