Lundi, 11.03.2024

Aux fourneaux du Cirque Knie

Depuis 38 ans, le chef cuisinier Noureddine Oulouda sillonne les routes du pays avec le Cirque Knie. Le Marocain veille à ce que les estomacs des artistes et des équipes ne crient jamais famine.

Noureddine Oulouda, ce midi, que préparez-vous pour les artistes du Cirque Knie?

Du cou de porc fumé accompagné de lard, de choucroute et de pommes de terre, et du poulet grillé avec du risotto, entre autres choses. Il y aura peut-être aussi un potage au chou-fleur.

 

Deux menus très différents donc.

Oui, exactement, c’est comme ça tous les jours chez nous. Dix nationalités différentes travaillent au cirque Knie. Les préférences alimentaires comme les prescriptions religieuses touchant à l’alimentation varient d’un pays à l’autre. Et je dois composer avec tout ça.

 

La famille Knie mange-t-elle également au cirque?

Naturellement!

 

Pouvez-vous nous dire quel est le plat préféré de Géraldine Knie, la directrice artistique?

Elle adore mon cordon-bleu au poulet. Elle aime aussi beaucoup le couscous, les calamars et la paella.

 

Y a-t-il un plat qui fait l’unanimité?

Les escalopes avec frites et légumes: ça part comme des petits pains.

 

Combien de repas préparez-vous par jour?

Avant, je cuisinais trois fois par jour: pour le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner. Aujourd’hui, je ne m’occupe plus que du déjeuner. Je réalise 120 assiettes par jour. Le soir, je travaille au buffet près du chapiteau; j’y prépare des saucisses grillées et des hamburgers.

 

Y a-t-il beaucoup de demandes spéciales pour le déjeuner?

Chez nous, tout le monde mange de tout. Nous avons eu un végétarien l’année dernière, le chanteur Bastian Baker. Mais ça a été une exception.

 

«Les artistes ont tendance à manger plus léger»

 

Un artiste mange-t-il la même chose qu’une palefrenière?

Les artistes ont tendance à manger plus léger. Ils se tournent davantage vers le riz, les légumes et la soupe. Des aliments qui ne pèsent pas sur l’estomac s’ils doivent s’entraîner ou se produire dans les heures qui suivent.

 

Votre lieu de travail est insolite: la caravane de cuisine mesure onze mètres de longueur. On s’y sent vite à l’étroit. Combien êtes-vous aux fourneaux?

Nous sommes quatre, deux Marocains et deux Polonais; nous travaillons ensemble depuis plus de 20 ans. La cuisine, âgée de 30 ans, n’est certes pas immense, mais il y a tout ce qu’il nous faut.

 

Il n’y a pas de barrières linguistiques?

Ici, au cirque, nous parlons notre propre langue, qu’on appelle le «dialecte du cirque». C’est un mélange de toutes les langues parlées ici. Tous les nouveaux arrivants se comprennent ainsi d’une manière ou d’une autre.

 

Comment vous êtes-vous retrouvé au cirque?

J’ai d’abord suivi une formation de trois ans à l’école hôtelière au Maroc, avant de venir en Suisse où j’ai travaillé dans un hôtel à Pontresina, dans les Grisons, pendant deux ans. J’ai ensuite passé deux ans en Arabie saoudite, avant de me retrouver à 27 ans au Cirque Knie. Mon frère y travaillait déjà comme palefrenier et m’a dit que le cirque cherchait un cuisinier pour les artistes et les employés.

 

Vos jumeaux et votre femme vivent à Zurich, dans le quartier d’Oerlikon. Est-ce difficile d’être constamment sur les routes?

Quand les enfants étaient petits, ils m’accompagnaient de temps en temps. Ensuite, la famille est restée au même endroit pendant que je voyageais. Pour moi, c’est un rêve absolu d’être toujours en vadrouille. J’adore ça. Je n’ai jamais imaginé avoir mon propre restaurant. Je pense qu’une fois que l’on a travaillé dans un cirque, cette vie ne nous lâche plus, elle nous colle à la peau. Le cirque est toujours présent dans ma tête.

 

Quel est le plus grand défi de votre métier de cuisinier dans un cirque?

Avant, je m’inquiétais tout le temps. Que faire si l’électricité ou l’arrivée d’eau ne fonctionne pas? Aujourd’hui, je prends les choses avec beaucoup plus de calme, je suis rodé.

 

NOUR EDDINE OULOUDA

Le chef du Cirque Knie est né en 1959 à Rabat, la capitale du Maroc et a découvert la cuisine auprès de sa mère. Il a su très tôt qu’il voulait porter la toque.

En 1986, il rejoint le Cirque National Suisse, une aubaine pour les deux parties.

Lorsqu’il n’est pas en tournée, ce papa de jumeaux vit avec sa femme à Zurich.

 

 

Texte: Fabia Bernet
Photo: Christian Schnur, Keystone