Lundi, 28.11.2022

«La Suisse est en pleine effervescence»

Depuis 20 ans, Britta Wiegelmann partage sa passion pour le vin en tant que journaliste et, depuis peu, via des cours en ligne. Son petit faible: les bulles! Ici, elle nous dit tout sur le vin mousseux suisse.

En tant que journaliste spécialisée, on me demande souvent: «Si tu ne pouvais boire qu'un seul type de vin pour le reste de ta vie, lequel choisirais-tu?» Je réponds toujours quelque chose comme: «Impossible! Il y a bien trop de choix.» Mais la vérité, c'est que si je devais vraiment faire un choix, je me tournerais vers le mousseux. Et la bonne nouvelle est que la scène des vins mousseux en Suisse est en pleine effervescence! Jusqu’à il y a encore quelques années, il était difficile de trouver du vin mousseux en Suisse. Pourtant, il y avait bien quelques précurseurs, à l’image de la famille Bouvier qui a commencé à élaborer du Sekt en 1811 dans le canton de Neuchâtel. Elle fournissait la cour du roi de Prusse et même la Maison-Blanche, Jacqueline Kennedy-Bouvier, l’épouse du président, souhaitant connaître le vin de ses ancêtres. Malheureusement, l’entreprise n’existe plus aujourd’hui. En 1829, toujours dans le canton de Neuchâtel, Abram-Louis Richardet s’est à son tour lancé dans la production de vin mousseux. En 1859, la famille Mauler a repris la Maison, toujours connue sous ce nom.

 

Méthode champenoise

Les deux pionniers ont élaboré leurs vins d’après la méthode champenoise. Explication: la base de tout vin mousseux est un vin ordinaire. Celui-ci est issu d’une première fermentation, au cours de laquelle les levures se «nourrissent» du sucre contenu dans le moût et le transforment en alcool et en gaz carbonique. Toutefois, le gaz carbonique s’échappe, parce que le vigneron ouvre souvent la cuve lors de la vinification. Une fois le vin tranquille (ou vin de base) prêt, vient la deuxième étape, décisive. Le vin est à nouveau additionné de sucre et de levure, puis versé dans des bouteilles fermées hermétiquement. C’est cette seconde fermentation qui permet d’obtenir un vin effervescent: cette fois-ci, le gaz carbonique ne peut plus s’échapper. Une fois que les levures ont terminé leur travail, elles sont éliminées: c’est le «dégorgement». Mais, entre-temps, elles ont marqué le vin de leur empreinte gustative, lui apportant des arômes de brioche fraîche, de la richesse et de la complexité. Une autre méthode consiste à réaliser la deuxième fermentation en cuve. Plus rapide et économique, elle donne un vin mousseux simple et fruité.

Personnellement, je suis une grande amatrice de la méthode traditionnelle, c’est-à-dire de la fermentation en bouteille. Les vignerons suisses s’appuient eux aussi principalement sur ce procédé. Si autrefois, la plupart des producteurs confiaient la production de leur vin à des entreprises spécialisées, ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à élaborer leurs crus de A à Z dans leur propre chai, souvent avec des résultats exceptionnels. L’un des précurseurs a été le Valaisan Jacques Germanier. En 1989, il a créé le Brut du Valais et fait creuser une galerie dans la montagne, afin d’offrir des conditions idéales à ses mousseux. C’est de là que le domaine tire son nom: la Cave du Tunnel. Aujourd’hui, lorsque je pense à des vins mousseux d’exception, ce sont surtout les vins grisons qui me viennent à l'esprit. Les cuvées des grands établissements vinicoles comme Donatsch ou Obrecht font littéralement tourner la tête.

 

Un vraj joker culinaire

Encore quelques mots sur la dégustation des vins pétillants: s’il vous plaît, oubliez les flûtes étroites et les coupes évasées! Car les arômes des vins mousseux ont besoin d’espace pour se développer, mais ils ne doivent pas s’échapper. Bref, un verre à vin blanc normal fait parfaitement l’affaire. Quant à la bouteille entamée, elle doit regagner rapidement le réfrigérateur, car – c’est un fait scientifique – plus un liquide est froid, plus il peut fixer de gaz carbonique. Autrement dit, plus on garde la bouteille au frais, plus il y a de bulles à l'intérieur. Et pour finir, un petit aparté sur le vin mousseux au repas: croyez-moi, il n'y a rien de mieux! Que ce soit avec du poulet rôti ou des beignets de poisson, des flûtes au fromage ou des croissants au jambon, des sushis et des dim sum ou pour accompagner des œufs Bénédicte lors d’un brunch, le mousseux est mon péché mignon.


Britta Wiegelmann

Age: 50 ans
Lieu de résidence: Zurich et Bordeaux
Son accord préféré: un mousseux mature et du Parmigiano reggiano bien affiné


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Texte: Britta Wiegelmann
Photo: Heiner H. Schmitt